30 janvier 2006

Marketing & "business developpement" des avocats : Des notions à redéfinir...

Que de mots qui, associés aux notions de CRM (Client/ Customer Relationship Management), d’ERP (Entreprise Ressource Planning), de networking, de speed dating, de réseau... résonnent de plus en plus lourdement dans les couloirs des cabinets français jusqu’à parfois en donner le vertige et provoquer des incongruités en matière d’image.

On mélange les notions de publicité et de marketing, de business développement et de communication, de logiciel de gestion et de CRM, de planification stratégique et de marché, de produit et de métier et spécialisation...

Un peu d’ordre dans tout cela permettrait d’y voir plus clair et surtout d’éviter des dépenses anti-stratégiques et coûteuses, investissement sans retour et parfois même explosion de structure.

Les exigences du passage des cabinets d’avocats à un réel système entrepreneurial ont malheureusement parfois fait oublier les fondements même du système entrepreneurial. Reprenons à l’origine du mot marketing. C’est un concept dont la traduction signifie au premier degré « commercialisation », au deuxième degré « méthode de mise sur le marché ». Il s’agit donc d’une méthodologie, d’un état d’esprit, qui repose sur un système d’analyse, un système d’action et un système de pensée. Il ne s’agit nullement d’un réflexe de communication anarchique et unilatéral comme on le croise malheureusement souvent dans les cabinets d’avocats. Il doit être fédérateur (en interne) et satisfaisant (besoins du client). On rappelle également que le marketing est une des composantes du management au même titre que la gestion des ressources humaines, la gestion financière et la gestion de la production.

Or donc, avant toute phase opérationnelle (produit - prix - publicité/ promotion - place), il est indispensable de mettre en place une phase stratégique. Le mot de marketing stratégique heurte encore les sensibilités juridiques ? Qu’à cela ne tienne on le remplacera volontiers par celui moins concis mais tout aussi éloquent de « gestion de projet de développement » ou encore de « planification stratégique ».

Il est là le réel investissement et ce n’est qu’à l’issue de cette phase incontournable et récurrente (évaluation périodique), contrôlée pour ne pas dire coachée et organisée, que le cabinet, quelque soit sa taille, pourra décemment entrevoir des politiques efficaces de prix - produit - communication - distribution (articles, sites internet, plaquette...). C’est en cela qu’il s’agit d’un état d’esprit.
Mais les avocats, on le sait, au même titre que beaucoup de professions libérales, sont encore peu formés à ce type d’exercice par ailleurs si prisés par les Ecoles de Commerce. N’en ayant pas le goût, ou l’idée, ils n’en voient pas la nécessité en investissement temps, leur quotidien étant par ailleurs souvent pris par l’urgence. Ceci conduit nécessairement à l’absence de stratégie ou à des stratégies qui peuvent être délétères. Il est pourtant essentiel d’y venir de manière structurée et méthodique, les contraintes marché ne laissant désormais que peu de place aux cabinets qui n’ont pas de réel projet et de plan d’actions.

Lire la suite sur la gestion d’un projet de développement :
- « Gérer un projet de développement ».

Caroline Neveux
Associée fondateur de Jurimanagement

27 janvier 2006

Investissements étrangers : les secteurs protégés

Le ministère de l’Economie pourra désormais demander certaines garanties aux investisseurs étrangers souhaitant racheter des sociétés françaises, appartenant à des secteurs dits sensibles. Il pourra exiger par exemple la pérennité des activités et des capacités industrielles. C’est ce qu’indique un décret paru au Journal officiel du 31 décembre 2005.

Plusieurs secteurs sont concernés : les casinos, les activités de sécurité privée, les activités de recherche et de production d’antidotes, les matériels d’interception des communications, la sécurité informatique, les biens et technologies à double usage (civile et militaire), la cryptologie et toute industrie fournissant le ministère de la défense (marchés secret-défense, recherche et commerce en matière d’armement...). Les investissements par des sociétés étrangères dans ces secteurs nécessiteront en outre une autorisation préalable du ministère de l’Economie.

Destiné à renforcer le contrôle des investissements étrangers dans les secteurs sensibles, ce décret avait été annoncé par le gouvernement cet été suite à la rumeur de rachat de l’entreprise française Danone par une société américaine.

Aller plus loin :

- Décret du 30 décembre 2005 réglementant les investissements étrangers d’entreprises françaises dont le siège social est situé en France

- Décret rectificatif sur les investissements étrangers de sociétés françaises dont le siège social est situé en France

- Etat actionnaire versus Etat régulateur ?

25 janvier 2006

Aide juridictionnelle : nouveau plafond de ressources pour 2006

A compter du 1er janvier 2006, les plafonds de ressources pour bénéficier de l’aide juridictionnelle sont remontés de 1,8 %. Les ressources du demandeur de l'aide doivent être inférieures à 859 euros mensuel pour l'aide juridictionnelle totale et à 1 288 euros mensuel pour l'aide juridictionnelle partielle. Ces montants s’appliquent sur la moyenne mensuelle des ressources perçues par le demandeur entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005, sans tenir compte des prestations familiales et de certaines prestations sociales.

Conditions de Ressources

La moyenne mensuelle des ressources perçues par le demandeur entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année précédente, sans tenir compte des prestations familiales et de certaines prestations sociales, doit être inférieure à un certain plafond de ressources.

Ce plafond est de 859 EUR mensuel à compter du 1er janvier 2006 pour bénéficier de l'aide juridictionnelle totale.

Il est de 1 288 EUR mensuel à compter du 1er janvier 2006 pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle.
Il est majoré de :
• 155 EUR pour chacune des deux premières personnes à charge ;
• et 98 EUR pour chacune des personnes suivantes.

Sont considérées comme personnes à charge : le conjoint, le concubin, les descendants ou ascendants.

Il est tenu compte dans l'appréciation des ressources des revenus du travail mais également de toutes autres ressources (loyers, rentes, retraites, pensions alimentaires) et des biens meubles et immeubles appartenant au demandeur.

En revanche, les prestations familiales et certaines prestations sociales n'entrent pas dans le calcul des revenus.

Les ressources considérées englobent en principe celles du conjoint du demandeur ainsi que celles des personnes vivant habituellement à son foyer.
Si le demandeur ne remplit pas les conditions requises, il peut éventuellement se voir octroyer l'aide lorsque sa situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au vu du litige et des charges prévisibles du procès.

17 janvier 2006

Le point sur l'expropriation

L'expropriation est la procédure par laquelle un particulier est contraint de céder la propriété d’un immeuble (ou un droit réel immobilier) à l’Etat, à une collectivité territoriale, un établissement public ou à une personne privée assurant une activité d’intérêt général, dans un but d’utilité publique et moyennant une indemnité juste et préalable déterminée par un accord amiable ou, à défaut, par l’autorité judiciaire.

L'expropriation administrative ne peut être légale que si elle est effectuée dans une idée d'utilité publique. La définition est assez vague, le juge administratif a un pouvoir d'appréciation discrétionnaire qui lui permet d'en décider. La notion d'utilité publique laisse un champs vaste à l'Administration depuis la loi de 2001 donnant une définition plus que vague du sujet. La notion était auparavant beaucoup plus restrictive puisqu'il s'agissait de la notion d'intérêt public.


17/08/2005
Expropriation pour libérer des immeubles insalubres

Conditions de la mise en oeuvre de la procédure par le préfet
L'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 encadre la procédure d'expropriation prévue pour pallier les carences des propriétaires à effectuer les travaux nécessaires pour rendre ou garder salubres les immeubles en leur possession.

Dans l'affaire en référence, l'Etat avait refusé d'accorder le concours de la force publique à l'exécution d'une ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance prévoyant l'expulsion de personnes occupant un immeuble sans titre les y autorisant. Il s'en est suivi une dégradation de l'immeuble. Or la propriétaire prouve qu'elle a proposé d'effectuer elle-même les travaux nécessaires, mais qu'elle n'a pu le faire du fait de la présence de squatters à l'intérieur de l'immeuble. Le préfet a alors eu recours à la procédure d'expropriation.

Le Conseil d'Etat censure la décision du préfet estimant qu'il détourne la procédure en y recourant dans les circonstances précitées:

Considérant que la procédure prévue par la loi du 10 juillet 1970 a pour objet de pallier les carences des propriétaires à effectuer des travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité des immeubles leur appartenant; que le moyen tiré de ce que, en ayant recours à cette procédure en une circonstance où la dégradation de l'immeuble en cause résulte principalement du refus de l'Etat d'accorder le concours de la force publique pour exécuter l'ordonnance du président du tribunal de grande instance du 19 avril 1999 décidant l'expulsion des personnes occupant l'immeuble sans droit ni titre, et alors que la société requérante justifie avoir proposé à plusieurs reprises d'effectuer elle-même les travaux de nature à remédier à l'état d'insalubrité de l'immeuble et n'avoir pu le faire compte tenu de la présence d'occupants sans titre, le préfet aurait commis un détournement de procédure est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée; que, par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 octobre 2004.

Références:
- Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre
- Conseil d'Etat, 5e et 4e sous-sect. réunies, 25 mai 2005 (requête n° 275.864)

5/08/2005
Restriction quant au droit à exproprier un immeuble insalubre

Arrêt du Conseil d'Etat
Aux termes de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre:

Peut être poursuivie au profit de l'Etat, d'une collectivité locale, d'un établissement public ou d'un des organismes visés à l'article L. 321-1 du Code de l'urbanisme, dans les conditions prévues par le présent titre, l'expropriation: / des immeubles ayant fait l'objet de l'interdiction d'habiter visée à l'article L. 28 ou de la déclaration d'insalubrité prévue aux articles L. 38 et L. 42 du Code de la santé publique.

L'article 14 de la même loi dispose que: (...) le préfet, par arrêté: / déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles ... après avoir constaté qu'ils ont fait l'objet ... de l'interdiction d'habiter prévue à l'article L. 28 du Code de la santé publique (...) / déclare cessibles lesdits immeubles bâtis (...) / fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement (...);

Les textes dont il s'agit encadrent donc la procédure d'expropriation prévue pour pallier les carences des propriétaires à effectuer les travaux nécessaires pour rendre ou garder salubres les immeubles en leur possession.

Dans l'affaire en référence, l'Etat a refusé d'accorder le concours de la force publique à l'exécution d'une ordonnance rendue par le président du tribunal de grane instance prévoyant l'expulsion de personnes occupant un immeuble sans titre les y autorisant. Il s'en est suivi une dégradation de l'immeuble. Or la société propriétaire a apporté la preuve qu'elle a proposé d'effectuer elle-même les travaux nécessaires, mais qu'elle n'a pu le faire du fait de la présence des squatters à l'intérieur de l'immeuble. Le préfet a alors eu recours à la procédure d'expulsion.

Le Conseil d'Etat censure l'ordonnance et la décision du préfet dans les termes suivants:

Considérant que la procédure prévue par la loi du 10 juillet 1970 a pour objet de pallier les carences des propriétaires à effectuer des travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité des immeubles leur appartenant; que le moyen tiré de ce que, en ayant recours à cette procédure en une circonstance où la dégradation de l'immeuble en cause résulte principalement du refus de l'Etat d'accorder le concours de la force publique pour exécuter l'ordonnance du président du tribunal de grande instance du 19 avril 1999 décidant l'expulsion des personnes occupant l'immeuble sans droit ni titre, et alors que la société requérante justifie avoir proposé à plusieurs reprises d'effectuer elle-même les travaux de nature à remédier à l'état d'insalubrité de l'immeuble et n'avoir pu le faire compte tenu de la présence d'occupants sans titre, le préfet aurait commis un détournement de procédure est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée; que, par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 octobre 2004;

Références:
- Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre
- Conseil d'Etat, 5e et 4e sous-sect. réunies, 25 mai 2005 (req. n° 275.864)

1/06/2005
Le Code de l'expropriation est retouché en l'attente d'une refonte complète

Comme il a été jugé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) que le rôle du commissaire du Gouvernement dans la procédure en fixation des indemnités d'éviction est incompatible avec le droit des justiciables à un procès équitable et viole le principe de l'égalité des armes (CEDH 24-4-2003, n° 44962/98), il est affirmé au nouveau décret que le commissaire du Gouvernement doit exercer ses missions dans le respect du principe de la contradiction guidant le procès civil (article R. 13-7 du Code de l'expropriation modifié). Huit jours au moins avant la visite des lieux, le commissaire du Gouvernement doit notifier à l'exproprié et à l'expropriant ses conclusions par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Les conclusions devront comprendre les références de toutes les mutations sur lesquelles il s'est fondé pour retenir l'évaluation proposée mais aussi les raisons pour lesquelles les éléments non pertinents ont été écartés. Jusqu'au jour de l'audience, les parties ont la possibilité de répondre à ces conclusions par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Par ailleurs, des règles de procédure sont aménagées. De multiples éléments de détail de la phase judiciaire de la procédure d'expropriation sont modifiés. Ainsi, par exemple, la notification des jugements et arrêts aux parties est désormais faite selon le droit commun (articles 675 et suivants du nouveau Code de procédure civile) et la procédure particulière de rectification de l'ordonnance d'expropriation est supprimée (article R. 12-4).

A compter de sa saisine par le préfet, le juge de l'expropriation dispose désormais de 15 jours (au lieu de 8) pour prononcer l'ordonnance d'expropriation. La saisine s'entend du dépôt d'un dossier complet contenant toutes les pièces requises par l'article R. 12-1. Si le dossier n'est pas complet le juge doit demander au préfet de lui faire parvenir les pièces manquantes dans le délai d'un mois (articles L. 12-1, R. 12-1 et R. 12-2).

Dans le cadre de la procédure en fixation des indemnités plusieurs délais sont augmentés:
- propriétaires et usufruitiers disposent d'un mois (au lieu de 8 jours) pour faire connaître à l'expropriant l'identité des locataires et autres personnes bénéficiant de droits sur l'immeuble,
- le délai d'un mois dont dispose le défendeur pour déposer son mémoire en réponse est porté à 6 semaines,
- pour fixer la date de visite des lieux le juge n'est plus tenu par le délai de 8 jours courant à compter de sa saisine,
- le délai pour faire appel du jugement fixant l'indemnité passe de 15 jours à un mois.

Enfin, en cas d'annulation de la DUP (déclaration d'utilité publique) ou de l'arrêté de cessibilité, l'exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance d expropriation est dépourvue de base légale. Les conditions dans lesquelles cette demande doit être formulée sont précisées par le décret (article R. 12-5-1 et suivants nouveaux). Sont également envisagées les conditions de la "remise en l'état antérieur": restitution du bien à son propriétaire, restitution de l'indemnité à l'expropriant, indemnisation de l'exproprié en raison de l'opération illégale, devenir des constructions ou des plantations réalisées par l'expropriant (suppression à ses frais ou conservation par l'exproprié moyennant remboursement).

Références:
- Décret n° 2005-467 du 13 mai 2005: JOLD 15 mai, p. 8449
- Code de l'expropriation, partie réglementaire

Nouvelles règles d'accès aux documents administratifs

17/01/2006

Nouvelles règles d'accès aux documents administratifs et d'utilisation des informations administratives

Le décret en référence précise les nouvellles modalités d'exercice de la liberté d'accès aux documents administratifs et les modalités de réutilisation des informations publiques.

Il contient des dispositions relatives à la commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Le texte régit son organisation et son fonctionnement. Puis il indique dans quel délai et selon quelles modalités elle peut être saisie du refus, exprès ou tacite, d'une autorité de communiquer des documents, selon quelle procédure elle examine cette demande et rend son avis, et quelles suites peuvent être données à celui-ci. Le texte précise aussi selon quelle procédure la CADA peut prononcer des sanctions en cas d'infraction aux règles relatives à la réutilisation des données publiques. Enfin, il détermine ses autres attributions.

Le décret comporte des dispositions relatives à la liberté d'accès aux documents administratifs. Elles concernent la publication et les modalités de communication de ces documents.

Par ailleurs, le décret contient des dispositions relatives à la réutilisation des informations publiques.

Enfin, il indique dans quelles administrations doit être désignée une personne responsable de l'accès aux documents administratifs et des questions relatives à la réutilisation des informations publiques, et quelles sont les attributions de cette personne.

Référence:
- Décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005; Journal Officiel Lois & Décrets 31 décembre 2005

15 janvier 2006

Surendettement des particuliers : l'assistance de l'avocat à l'assaut de la procédure menée devant le juge de l'exécution

Dans un arrêt rendu le 17 novembre 2005, la Cour de cassation met en exergue l'influence exercée par l'article 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, sur un jugement rendu en matière de surendettement des particuliers au préjudice d'un bénéficiaire de l'aide juridictionnelle n'ayant pu obtenir le concours d'un avocat.

Une commission de surendettement des particuliers déclare recevable la demande d'élaboration d'un plan de redressement émanant d'un débiteur. Le créancier exerçant un recours contre cette décision, le surendetté obtient, avant le prononcé du jugement, le droit à l'aide juridictionnelle. Pour autant le débiteur n'est finalement pas assisté et malgré l'absence de bénéfice du concours d'un avocat, le juge de l'exécution (JEX) statue sur le recours.

En effet, le JEX considère la demande initiale du débiteur surendetté irrecevable au motif que ses créanciers pourraient être désintéressés par la vente d'un bien immobilier commun ne constituant pas par ailleurs son logement principal.

Amenée à se prononcer sur le pourvoi formé par le débiteur, la Cour de cassation censure la décision rendue par le JEX et ce, au visa de l'article 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, qui reconnaît au titulaire de l'aide juridictionnelle le droit à l'assistance d'un avocat.

Les Hauts Magistrats reprochent en effet au juge de l'exécution d'avoir violé ce texte en statuant sur le recours litigieux alors même que le plaideur, ayant obtenu l'aide juridictionnelle "avant le prononcé du jugement (…), n'avait pas bénéficié du concours d'un avocat ".

Par le présent arrêt, la Cour de cassation applique à la procédure particulière de traitement du surendettement des particuliers une jurisprudence bien établie et selon laquelle aucune décision de justice ne peut intervenir avant qu'un avocat n'ait été désigné pour assister ou représenter la personne bénéficiant de l'aide juridictionnelle (voir en ce sens devant la cour d'appel : Cass. 2e civ., 12 mars 1997, n° 95-10.727, JCP éd. G 1997, II, p. 342, n° 22884 ; Cass. soc., 19 juillet 2000, n° 98-17.792, Bull. civ. V, n° 305, p. 240 ; Cass. 3e civ., 7 mai 2003, n° 01-16.936, Bull. civ. III, n° 98, p. 90)

Cette solution est bienvenue sous l'angle de la technique juridique dès lors qu'elle respecte le principe immuable en vertu duquel le respect des droits de la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel (Cass. ass. plén., 30 juin 1995, n° 94-20.302, Bull. ass. plén., n° 4, p. 7). Il nous semble par ailleurs que l'orthodoxie juridique de la solution est opportune en l'espèce, compte tenu de la situation économiquement vulnérable de la débitrice, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

Pour en savoir plus, voir Nouveau code de procédure civile commenté, art. 19

Cass. 2e civ., 17 nov. 2005, n° 03-04.186, P+B+R+I

Occupation du domaine public : quel ordre de juridiction est compétent pour trancher un litige ?

Qu'est-ce que le domaine public, sinon une propriété publique soumise à un régime de protection et d’utilisation particulier et composée du domaine public naturel, du domaine public fluvial et du domaine public maritime.

Par deux arrêts en date du 12 décembre 2005, le Tribunal des conflits vient d'apporter un éclairage intéressant sur la compétence juridictionnelle en cause en matière de contrat portant occupation de domaine public.


C'est notamment sur le fondement de l'article 1 du décret du 17 juin 1938, dont les dispositions ont été reprises, pour l'Etat à l'article L 84 du Code du domaine de l'Etat, et lesquelles prévoient que "Les litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou dénomination, passés par l'Etat, les établissements publics ou leurs concessionnaires, sont portés en premier ressort devant le tribunal administratif", que leTribunal des conflits vient de rendre un arrêt important et destiné à être publié au Recueil Lebon ; arrêt éclairé par une décision rendue le même jour et également destinée à une publication au Recueil.



Dans la première espèce, une communauté de communes de Moselle avait confié à une société V. une délégation de service public (à savoir la gestion d'une base nautique située sur le territoire de cette communauté) et avait conclu avec elle une convention d'occupation du domaine public (la base nautique étant implantée sur le domaine public). La société V. avait elle-même confié la gérance de la cafétéria destinée aux usagers de la base nautique à M. D. Comme le rappelle le tribunal des conflits, les litiges qui peuvent s'élever entre la société V., concessionnaire de service public, et M. D. à l'occasion de l'occupation du domaine public par lui sont en conséquence relatifs à l'exécution du contrat et relèvent de la compétence de la juridiction administrative, en vertu des dispositions du décret du 17 juin 1938.



Dans la seconde espèce, les faits étaient différents et apportent au lecteur attentif une précision. Un syndicat intercommunal à vocation multiple (Sivom) avait ainsi été autorisé à occuper temporairement un terrain appartenant au domaine public de l'Etat pour y implanter une piste de karting. Ce terrain avait fait l'objet d'un apport à une société d'économie mixte (SEM) dont le Sivom était actionnaire aux côtés d'autres actionnaires de droit privé. La SEM avait alors conclu avec l'association sportive de karting semurois une convention de mise à disposition du site et de ses équipements. Après quelques années, la SEM a proposé de nouvelles modalités d'occupation des lieux à l'association sportive, laquelle les a refusées et a cessé ses activités. Etions-nous dans le même cas que précédemment évoqué ? Il y avait bien occupation du domaine public, ce qui tendait à favoriser la thèse d'une compétence juridictionnelle administrative. Pourtant, comme le précise le Tribunal des conflits, la SEM n'était pas concessionnaire d'un service public. Dans ces conditions, le litige qui oppose l'association sportive à la SEM, personne morale de droit privé, "même si la convention conclue comportait occupation du domaine public, relève de la compétence de l'ordre judiciaire".



Dès lors, sont administratifs les contrats conclus entre personnes privées, et comportant droit d'occupation du domaine public, dès lors que l'une d'elles a la disposition d'une dépendance domaniale en qualité de concessionnaire de service public.


T. confl., 12 déc. 2005, n° 3479, Degroote c/ Sté vert Marine ; T. confl., 12 déc. 2005, n° 3458, Association sportive de karting semurois c/ SEM Auxois Bourgogne et sté DAGS

09 janvier 2006

Procédure abusive : amende majorée

Pour les instances introduites, en première instance ou en appel, à compter du 1er mars 2006, l'amende civile encourue pour procédure abusive ou dilatoire est portée à 3 000 € maximum (au lieu de 15 à 1 500 € auparavant). Sont également passibles de cette sanction les témoins défaillants et ceux qui, sans motif légitime, refusent de déposer ou de prêter serment, ainsi que le créancier d'aliments qui, de mauvaise foi, fait usage de la procédure de paiement direct.

07 janvier 2006

Les avocats face à la commande publique: liberté, égalité, transparence?

Les avocats face à la commande publique: liberté, égalité, transparence?


Par Julien Bonnat,
avocat à la cour.


Peu à peu, les cabinets d'avocats s'habituent à répondre aux appels d'offres lancés par les collectivités locales en matière de conseil juridique et de représentation en justice. Ces marchés de services sont encadrés par les nouvelles dispositions de l'article 30 du Code des marchés publics. Soumis au secret professionnel, contraint de s'unir le plus souvent avec d'autres prestataires et devant faire face, notamment, à la concurrence des services déconcentrés de l'Etat et des cabinets d'audit spécialisés, l'obtention de la commande publique est un parcours difficile pour l'avocat.

En annulant partiellement l'article 30 du Code des marchés publics , le Conseil d'Etat a précisé que les marchés de conseils juridiques qui y figuraient étaient désormais soumis à publicité et mise en concurrence. Pendant cinq mois, cette décision a constitué une véritable épée de Damoclès sur l'ensemble des marchés de services passés selon la procédure dite " allégée " . Le Gouvernement a mis au fourreau cette épée par un décret du 24 août 2005 . Dorénavant, l'article 30 du Code des marchés publics encadre la passation des marchés de prestations juridiques en distinguant les marchés de conseils juridiques des marchés de représentation en justice.

Les marchés de conseils juridiques doivent être soumis à des modalités de publicité et de mise en concurrence " tenant compte des caractéristiques du marché, notamment de son montant, de son objet, du degré de concurrence entre les prestataires de service concernés et des conditions dans lesquelles il est passé" . Le plus souvent inférieurs à 230.000 €, les marchés de conseils juridiques sont soumis au respect des articles 43 à 45 et 51 du Code des marchés publics. En d'autres termes, les candidats-avocats doivent pouvoir justifier de " capacités professionnelles, techniques et financières " pour obtenir le marché. Se pose alors la question des références professionnelles. La position du Conseil d'Etat est claire en la matière : " la production de références professionnelles par des avocats candidats à un marché public ne porte pas atteinte au secret régissant leurs relations avec leurs clients dès lors que les renseignements qu'ils apportent ne comportent pas de mention nominative et ne permettent pas non plus d'identifier les personnes qui ont demandé les consultations au travers d'indications sur les circonstances dans lesquelles les conseils ont été donnés " . Le véritable problème est lié au fait que (malheureusement) les avocats ne sont pas les seuls à répondre aux marchés de conseils juridiques. Partenaires privilégiés des collectivités locales, les services déconcentrés de l'Etat soumissionnent depuis longtemps à l'obtention de ces marchés. Dans ces conditions, l'offre du candidat avocat est-elle étudiée par la personne publique avec autant d'attention que l'offre d'un candidat pouvant faire explicitement référence à sa clientèle (montant du marché, noms des interlocuteurs de la collectivité concernée, etc…) ?

La réponse est évidemment négative. En outre, les offres de prix des services de l'Etat fonctionnant sur les deniers publics sont bien inférieures à celles formulées par un cabinet d'avocats assujetti à de lourdes charges. De même, les cabinets d'audit spécialisés dans l'assistance des personnes publiques formulent une offre globale de services juridiques, techniques et financiers là où le cabinet d'avocats doit répondre en groupement solidaire ou conjoint alourdissant d'autant ses charges de structures et donc son offre de prix. Comment pallier alors à ces inégalités ? Faut-il solliciter l'exclusion des marchés juridiques du giron du Code des marchés publics comme l'a suggéré Maître Jean-Jacques Israël lors de la Convention nationale des Barreaux de Marseille ? Il me semble que non. Une telle suggestion n'est-elle pas en réalité dictée par le souhait de " protéger " une clientèle acquise depuis longtemps ? Les marchés de prestations juridiques doivent rester soumis à publicité et mise en concurrence. Les cabinets d'avocats doivent être choisis pour leurs compétences, leurs qualités humaines et leurs capacités techniques. Cependant, l'avocat doit pouvoir produire, avec l'accord des clients, des références vérifiables par les collectivités publiques. Pour déroger au principe du secret professionnel, le législateur pourra utilement s'inspirer du projet d'article 10-8 du Règlement Intérieur National permettant aux cabinets d'avocats de faire référence explicitement à leurs clientèles dans les plaquettes diffusées à l'étranger. Les Ordres quant à eux doivent défendre plus avant le " périmètre du droit " et ne pas hésiter à saisir le juge du référé précontractuel aux côtés des candidats-avocats illégalement évincés d'un marché public.

Les marchés ayant pour objet la représentation en justice d'une personne publique " sont soumis, dans le respect des principes déontologiques applicables à la profession d'avocat, aux seules dispositions du [Titre] I " du Code des marchés publics . En d'autres termes, quelque soit leur montant, ces marchés doivent respecter les principes fondamentaux de la commande publique, à savoir la " liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats, la transparence des procédures " ainsi que le secret professionnel et l'indépendance de l'avocat . Une très grande marge de manœuvre est donc laissée aux collectivités locales pour choisir leur représentant et, en pratique, force est de constater que ces marchés ne font que rarement l'objet d'une véritable mise en concurrence. En outre, ces marchés ne sont pas soumis à l'obligation de transmission au contrôle préfectoral de la légalité . Un problème de taille subsiste : celle de la durée du marché. Les marchés publics sont soumis en effet à une durée maximum de quatre ans et ce, dans le souci d'une remise en concurrence périodique. Or, les litiges peuvent durer plus longtemps. Il faut espérer que le prochain Code des marchés publics qui devrait sortir en janvier 2006 prendra en compte cet aspect.



1 CE, 23 février 2005, Asso. pour la transparence et la moralité des marchés publics, req. n° 264.712
2 Cf. " L'article 30, alinéa 1er, du Code des marchés publics annulé par le Conseil d'Etat " par Julien Bonnat in Les Petites Affiches de Bretagne, 25-26 février 2005, p. 13.
3 Décret n° 2005-1008 du 24 août 2005 modifiant le code des marchés publics
4 Article 30-I, alinéa 2, du CMP
5 CE, 7 mars 2005, Communauté urbaine de Lyon, req. n° 274286
6 Extrait article 10-8 RIN : " La plaquette ne peut faire référence aux noms de clients, mais, à titre d'exception, une plaquette indiquant les noms de clients du cabinet ayant donné leur accord peut être diffusée à l'étranger dans les pays dans lesquels une telle diffusion est autorisée "
7 Article 30-II du CMP
8 Article 1er du CMP
9 CE, Ass., 9 avril 1999, Toubol Fischer et Bismuth, req. n° 196177 - CE, Ass., 5 mars 2003, Ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris, req. n° 238039
10 Article 78, al. 2, du CMP