26 avril 2006

Procédures policières irrégulières : 108 plaintes déposées en 2005

Gardes à vue irrégulière, menottage "de plus en plus systématique", fouilles à corps "non justifiées"... la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a été saisie en 2005 de 108 plaintes, soit une hausse de 10%, dont 72 contre la police nationale, a indiqué l’institution dans son rapport annuel publié mercredi 12 avril 2006.

La CNDS constate pour l’année 2005 une hausse des affaires témoignant d’une méconnaissance de la procédure de garde à vue et des garanties qui y sont rattachés (examen par un médecin, rencontre d’un avocat, avertissement de la famille). Elle note également que les jeunes venant juste d’atteindre leur majorité sont sur-représentés au sein des victimes de manquements à la déontologie des policiers.

Qui peut transmettre une plainte à la CNDS ? La saisine n’est pas directe, la plainte doit être transmise par l’intermédiaire d’un député ou d’un sénateur. Le Premier ministre et le Défenseur des enfants peuvent également saisir la commission de leur propre chef.


Aller plus loin :
- Rapport annuel de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, Bibliothèque des rapports publics - La Documentation française, http://www.ladocumentationfrancaise.fr

- Site de la Commission nationale de déontologie de la sécurité

- Sécurité, Accès thématique - Vie-publique.fr

18 avril 2006

Fiscalité des entreprises : actualité 2006

La loi de finances pour 2006 et la loi de finances rectificative pour 2005 contiennent de nombreuses mesures intéressant les entreprises. En voici les principales :

1. MESURES CONCERNANT L’IMPOSITION DES RESULTATS

Impôt sur le revenu (IR) et abattement de 20 %
Centres de gestion et association agréés
Désormais, l’abattement de 20 % est intégré au barème de l’IR. En conséquence, afin de maintenir une différence de traitement au profit des adhérents des centres de gestion ou associations agréés, les revenus déclarés par les contribuables non-adhérents soumis à un régime réel d’imposition seront multipliés par 1,25 (soit une majoration de 25 %) pour le calcul de l’impôt dû à compter de l’imposition des revenus de 2006.

Même s’ils ne sont pas personnellement adhérents, les associés de sociétés de personnes (et groupements assimilés) relevant de l’impôt sur le revenu échappent à la majoration lorsque la société est elle-même membre d’un organisme agréé.

Régime de la micro-entreprise
En compensation de l’intégration au barème de l’IR de l’abattement de 20 %, pour les contribuables relevant du régime micro-BIC, le taux de l’abattement forfaitaire pour charges est réduit de 72 % à 68 % pour les ventes et la fourniture de logement, et de 52 % à 45 % pour les services.

Pour les contribuables relevant du régime micro-BNC, le taux de l’abattement forfaitaire pour charges est réduit de 37 % à 25 %.

Ces dispositions sont applicables à compter de l’imposition des revenus de 2006.

Revenus mobiliers
A compter de l’imposition des revenus de 2006, les dividendes perçus par les associés seront imposés à l’IR après application d’un abattement de 40 % au lieu de 50 % et cela toujours en compensation de l’intégration au barème de l’abattement de 20 %.

Par ailleurs, les personnes soumises à l’imposition commune bénéficieront d’un abattement de 3 050 euros (au lieu de 2 440 euros) et les personnes célibataires, veuves ou divorcées de 1 525 euros (au lieu de 1 220 euros).

Acomptes d’impôt sur les sociétés (IS)
Le régime des acomptes d’IS dus depuis le 15 mars 2006 est aménagé.
En premier lieu, les modalités de calcul pour les PME bénéficiant du taux réduit d’IS de 15 % sont simplifiées. Désormais, les acomptes sont égaux à un quart de l’IS calculé sur :

• les bénéfices taxés au taux normal de 33,33 % et au taux réduit de 15 % ;

• les résultats de concessions de licences d’exploitation de brevets et assimilés taxés à 15 %.

En second lieu, la dispense de versement d’acomptes pour les sociétés nouvelles, au cours de leur premier exercice d’activité, est étendue aux sociétés nouvellement soumises à l’IS (tel est le cas d’une EURL soumise à l’IR optant pour l’IS).

Imposition forfaitaire annuelle (IFA)
L’IFA exigible à compter de 2006 cesse d’être imputable sur l’IS.
Par ailleurs, son montant sera calculé en fonction du chiffre d’affaires HT du dernier exercice clos (et non plus TTC) et en application d’un nouveau barème qui exonère les entreprises dont le chiffre d’affaires HT est inférieur à 300 000 euros (au lieu de 76 000 euros TTC actuellement).

Régime mère-fille
Plusieurs aménagements sont apportés pour la détermination des résultats des exercices clos depuis le 31 décembre 2005.

Ainsi, les titres de participation dépourvus de droit de vote ouvrent-ils dorénavant droit au régime mère-fille sous réserve que la société participante détienne au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice.

L’engagement de conservation des titres pendant au moins 2 ans est supprimé mais l’obligation de conservation des titres pendant 2 ans est maintenue et étendue aux titres souscrits à l’émission.

Intérêts des sommes laissées en compte courant
Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, la limite de une fois et demie le capital social applicable aux associés dirigeants ou majoritaires des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés est supprimée.

Taux de l’intérêt de retard
Le taux de l’intérêt de retard dû par le contribuable en cas d’infraction fiscale (insuffisance, défaut, retard de déclaration ou de paiement des impôts directs et indirects), est ramené de 0,75 % à 0,40 % par mois, pour les intérêts courant depuis le 1er janvier 2006.

Sur l’année, l’intérêt de retard passe donc de 9 % à 4,80 %.

Salariés détachés à l’étranger
A compter de l’imposition des revenus de 2006, l’exonération d’impôt en totalité ou en partie des traitements et salaires perçus par des personnes de nationalité française envoyées à l’étranger par un employeur établi en France mais qui conservent leur domicile fiscal en France, est étendue à l’ensemble des personnes fiscalement domiciliées en France et en mission à l’étranger, quelle que soit leur nationalité.

Sont exclus du bénéfice des avantages fiscaux les mandataires sociaux.

Quant à l’obligation que l’entreprise soit domiciliée en France, elle est supprimée au profit du critère selon lequel l’employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou même dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une clause d’assistance administrative.

Le bénéfice de l’exonération est élargi à toute activité de prospection commerciale et le temps minimal de présence est réduit de 183 à 120 jours sur une période de 12 mois consécutifs.

2. MESURES CONCERNANT L’IMPOSITION DU PATRIMOINE

Impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
Compte tenu du relèvement de 1,8 % du barème de l’impôt sur le revenu, le seuil d’imposition de l’ISF est porté à 750 000 euros.

Par ailleurs, une exonération d’ISF est instaurée sur la cession des parts ou actions d’une société à concurrence de 75 % de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social (sous réserve de leur conservation pendant au moins 6 ans).

Le bénéfice de l’exonération est étendu aux redevables ayant cessé leurs fonctions ou activités pour faire valoir leurs droits à la retraite avec comme condition de détenir les titres depuis au moins 3 ans au moment de la cessation des fonctions.

Concernant les titres faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de six ans ("pacte Dutreil"), le taux de l’exonération partielle passe de 50 % à 75 %.

Imposition des plus-values professionnelles
Exonération des plus-values réalisées par les PME relevant de l’IR
L’appréciation des seuils d’exonération se fait désormais sur les recettes HT.

Ainsi, pour les entreprises de vente de marchandises, de fourniture de logement et exploitants agricoles, l’exonération de la plus-value est-elle totale si le montant des recettes est inférieur à 250 000 euros HT et partielle entre 250 000 et 350 000 euros HT.

En ce qui concerne les entreprises de prestation de services et titulaires de bénéfices non commerciaux, l’exonération est totale si le chiffre d’affaires est inférieur à 90 000 euros HT et partielle entre 90 000 et 126 000 euros HT.

Lorsqu’un exploitant individuel est également membre d’une société de personnes, il est aussi tenu compte des recettes réalisées dans cette société à proportion de ses droits dans les bénéfices. Néanmoins, cette globalisation des recettes est effectuée par catégorie de revenus.

Par ailleurs, le bénéfice de l’exonération est réservé aux plus-values de cession réalisées dans le cadre d’une activité exercée à titre professionnel (commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale) ; les loueurs en meublé professionnels peuvent bénéficier de l’exonération.

Quant aux plus-values réalisées en cas de cession d’un fonds de commerce donné en location-gérance, elles sont exclues du régime, tout comme les redevances de concession de brevets.

Enfin, la condition d’exercice de l’activité pendant au moins 5 ans est supprimée pour toutes les plus-values réalisées à la suite d’un sinistre ou d’une expropriation.

Exonération des plus-values sur cession de fonds de commerce
L’exonération des plus-values réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale à raison de la cession à titre onéreux d’une branche complète d’activité dont la valeur des éléments servant d’assiette aux droits d’enregistrement est inférieure à 300 000 euros est poursuivie, et même pérennisée, avec quelques changements notables.

S’y ajoute une exonération partielle si les éléments transmis ont une valeur vénale comprise entre 300 000 et 500 000 euros. Le montant de la plus-value exonérée est alors déterminé en lui appliquant un taux égal au rapport suivant : (500 000 – valeur des éléments transmis) / 200 000.

Une condition supplémentaire est toutefois requise pour pouvoir bénéficier de l’exonération : il faut que l’activité ait été exercée pendant au moins 5 ans à la date de transmission.

Par ailleurs, les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés doivent désormais répondre à la définition des PME communautaires (effectif inférieur à 250 salariés et chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou total bilan inférieur à 43 millions d’euros) pour bénéficier de l’exonération.

Cette mesure d’exonération est également étendue aux transmissions de l’intégralité des parts de sociétés de personnes détenues par les exploitants y exerçant leur activité (à l’issue de l’opération, l’exploitant doit donc cesser son activité professionnelle dans le cadre de la société dont il a transmis les titres).

En outre, l’exonération n’est plus réservée aux seules cessions à titre onéreux mais s’applique aussi aux transmissions à titre gratuit (donation ou succession).

Enfin, la transmission d’une activité faisant l’objet d’un contrat de location-gérance ou comparable peut bénéficier de la mesure sous conditions (activité exercée pendant 5 ans au moment de la mise en location et transmission réalisée au profit du locataire).

Autre cas d’exonération des plus-values
Un nouveau régime d’exonération des plus-values est créé. Il vise les plus-values réalisées en cas de cession à titre onéreux, dans le cadre d’un départ à la retraite, d’une entreprise individuelle ou de l’intégralité des droits détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans une société soumise au régime des sociétés de personnes.

Ce nouveau dispositif est applicable sous conditions :
• l’entreprise individuelle ou la société de personnes doit répondre à la définition des PME communautaires (cf. définition ci-dessus) ;

• l’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans à la date de la cession ;

• l’absence de liens entre le cédant et le cessionnaire au moment de la cession et pendant les

3 années suivantes (le cédant ne doit pas détenir plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire).

Sont exclues de cette exonération les plus-values portant sur des éléments de nature immobilière.

Plus-values immobilières à long terme
Concernant les plus-values immobilières à long terme réalisées sur les immeubles d’exploitation par des entreprises relevant de l’IR, un abattement de 10 % par année de détention au-delà de la cinquième est instauré.
Il conduit à une exonération totale au terme de 15 années de détention.

Report d’imposition des plus-values
Pour les opérations d’apport, d’échange ou de transmission à titre gratuit réalisées depuis le 1er janvier 2006 :
• le cumul d’un dispositif de report d’imposition et d’un régime d’exonération d’une plus-value n’est plus autorisé pour une même opération ;

• le régime de report d’imposition en cas d’apport en société d’une entreprise individuelle est aménagé ;

• de nouvelles obligations déclaratives sont instaurées pour les associés de sociétés de personnes bénéficiant de reports d’imposition à l’occasion du changement de régime fiscal de la société ou de la cessation d’activité d’un associé qui conserve ses parts.

Fiscalité immobilière
La contribution sur les revenus locatifs (CRL) est supprimée pour les revenus perçus à compter de 2006 par les personnes physiques et les sociétés de personnes dont aucun associé n’est soumis, à la clôture de l’exercice, à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun.

Taxe professionnelle
A compter des impositions établies au titre de 2007, le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée est, pour la généralité des entreprises (quel que soit leur chiffre d’affaires), calculé au taux de 3,5 % en fonction de la cotisation réelle de l’entreprise et non plus d’une cotisation de référence.

De plus, le dégrèvement de taxe pour investissements nouveaux est pérennisé pour les immobilisations neuves éligibles à l’amortissement dégressif. Il concerne les investissements réalisés depuis le 1er janvier 2006 ou pendant l’année 2005 lorsqu’ils se rapportent à un établissement créé avant le 1er janvier 2005 et s’applique pendant 3 ans, à hauteur de 100 % de la valeur locative du bien la première année, 2/3 la deuxième année et 1/3 la troisième année.

3. MESURES CONCERNANT LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE (TVA)

Abaissement du seuil de l’obligation de télédéclaration et télérèglement de TVA
Le seuil de l’obligation de télédéclaration et de télérèglement de la TVA est abaissé à 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires (au lieu de 15 millions d’euros) pour l’année 2006 et à 760 000 euros pour 2007.

Corrélativement, l’obligation de paiement de la TVA sur le compte du Trésor par virement sera supprimée à partir de 2007.

Autoliquidation de la TVA
A compter du 1er septembre 2006, le mécanisme de l’autoliquidation de la TVA par le client est généralisé à toutes les livraisons de biens et prestations de services imposables en France qui sont réalisées par des assujettis établis à l’étranger au bénéfice des clients identifiés à la TVA en France.

Aménagement du régime simplifié d’imposition
Le régime simplifié d’imposition est aménagé sur les points suivants pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2006 :

• les limites du régime (soit 763 000 euros pour les activités de vente et de fourniture de logement et 230 000 euros concernant les prestations de service) sont ajustées proportionnellement au temps d’exploitation effective lorsque celui-ci est inférieur à 12 mois ;

• les entreprises dont le chiffre d’affaires HT excède 840 000 euros pour les activités de vente et de fourniture de logement et 260 000 euros pour les prestations de service ne peuvent pas bénéficier du dispositif de maintien du régime simplifié d’imposition la première année de dépassement des seuils ;

• les opérations réalisées ou facturées par les redevables soumis au régime réel simplifié de la TVA peuvent être contrôlées, dans le cadre d’une vérification de comptabilité, dès le début du deuxième mois suivant leur réalisation ou leur facturation.

> En savoir plus :
Loi de finances pour 2006 n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et Loi de finances rectificative pour 2005 n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, JORF n° 304 du 31 décembre 2005.

15 avril 2006

La faillite personnelle dans le cadre de la nouvelle loi sur la sauvegarde d'entreprises

Les articles L. 624-5 et L. 625-8, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, peuvent encore servir de fondement au prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer contre le dirigeant d'une société soumise à une procédure collective en cours au 1er janvier 2006.

En 1998, une société est mise en liquidation judiciaire et un liquidateur est désigné. Par la suite, le juge-commissaire ordonne un audit comptable. Le liquidateur assigne les dirigeants de la société pour une période antérieure à la mise en liquidation judiciaire, en paiement des dettes sociales et pour voir prononcer à leur encontre la sanction d’interdiction de gérer une entreprise.

L’application de la loi de sauvegarde des entreprises est d’office examinée.

Il résulte des articles 190 et 191 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 que le chapitre III du titre V du livre VI du code de commerce dans sa nouvelle rédaction, relatif à la faillite personnelle et autres mesures d’interdiction, à l’exception de ses articles L. 653-7 et L. 653-11, n’est pas applicable aux procédures collectives en cours au 1er janvier 2006. Il s’ensuit que l’article L. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, bien qu’abrogé par cette loi, peut encore servir de fondement au prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer contre le dirigeant d’une personne morale soumise à une procédure collective en cours au 1er janvier 2006 ayant commis un des actes qui y sont mentionnés.

Les dirigeants contestent leur condamnation à une interdiction de diriger, gérer, administrer une entreprise pendant cinq ans.

Il résulte de la combinaison des articles L. 625-4 et L. 625-8 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2006, qu’une mesure d’interdiction de gérer peut être prononcée, à la place de la faillite personnelle à l’encontre de tout dirigeant d’une personne morale qui a commis l’un des actes mentionnés à l’article L. 624-5. En l’occurrence, les dirigeants avaient commis des manipulations comptables ayant eu pour effet de masquer, derrière un résultat d’exploitation présenté comme bénéficiaire, une activité en réalité déficitaire. La cour d’appel a ainsi fait ressortir qu’ils avaient tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière.



> Cass. com., 4 avril 2006, n° 04-19.637, n° 728 P + B + R + I, M. Christina X c/ M. François Y ès qualité de liquidateur

07 avril 2006

Nouveau rapport du Conseil d'Etat sur "la sécurité juridique et la complexisté du droit"

CONSEIL D'ÉTAT : RAPPORT PUBLIC 2006 : JURISPRUDENCE ET AVIS DE 2005 : SECURITE JURIDIQUE ET COMPLEXITE DU DROIT

2006, 28,00 euros

Comme chaque année, le rapport public du Conseil d'État comporte deux parties. La première fait le bilan de l'activité juridictionnelle et administrative du Conseil et présente les avis rendus par le Conseil d'État au cours de l'année 2005. La seconde partie thématique relative à la "sécurité juridique et à la complexité du droit" revient sur ce constat préoccupant : la France légifère trop et légifère mal. Les causes de cette dégradation échappent pour certaines d'entre elles à la seule responsabilité des pouvoirs publics. Ainsi en est-il du développement considérable des conventions internationales, bilatérales ou multilatérales qui, une fois ratifiées ou approuvées, entrent en vigueur sur notre sol avec une autorité supérieure à celle des lois. Le caractère foisonnant du droit communautaire constitue le second des facteurs sur lesquels les pouvoirs publics nationaux n'ont pas de prise directe. Une autre série de causes de la complexité du droit relève de l'organisation de nos propres institutions. Le rapport examine les effets néfastes de cette conjugaison de facteurs pour le législateur, à la fois contraint par les impératifs résultant du droit international et communautaire, submergé par des projets trop longs et trop complexes, et parfois même contourné. Il en analyse les conséquences pour la société, et dénonce l'effet néfaste exercé sur notre compétitivité économique extérieure. Enfin, s'inspirant d'expériences étrangères intéressantes et de travaux parlementaires, le rapport s'attache à ouvrir de nouvelles pistes de travail destinées à favoriser un accès au droit à la fois plus sûr et plus aisé.

www.conseil-etat.fr

01 avril 2006

Nouveau projet de loi sur l'immigration

Le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 29 mars 2006.

Le projet vise à mettre en place de nouveaux moyens permettant de « mieux réguler l’immigration, de lutter contre les détournements de procédure et promouvoir une immigration choisie ainsi qu’une intégration réussie ». Cette réforme d'ampleur tend à favoriser l'immigration à fins professionnelles au détriment de l'immigration pour motif familial et à mieux intégrer les migrants à la société française.

Il est ainsi envisagé de réformer certaines dispositions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France, à leur éloignement et à l’acquisition de la nationalité française.

Ainsi, le projet de loi prévoit-il de supprimer la délivrance automatique de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux étrangers présents en France depuis au moins dix ans. Il crée par ailleurs une nouvelle mesure d’éloignement, l’obligation de quitter le territoire français, qui « fusionne » le refus de séjour et la reconduite à la frontière. Le projet de loi vient également durcir les conditions d’acquisition de la nationalité française par mariage, quatre ans au lieu de deux étant nécessaires pour acquérir la nationalité par déclaration.

Les principales dispositions du projet portent sur les points suivants :

- le regroupement familial : pour être rejoint par sa famille, un ressortissant étranger devra justifier de 18 mois (au lieu d’un an) de séjour en situation régulière et d’un revenu au moins égal au SMIC (sans les allocations).

- les mariages mixtes : le conjoint étranger d’un français ne pourra obtenir une carte de résident qu’après 3 ans de mariage ; la lutte contre les mariages de complaisance est renforcée.

- la carte de séjour : pour l’obtenir, il faudra déjà avoir obtenu un visa de long séjour ; Les nouveaux arrivants souhaitant s’installer en France de façon durable devront signer un « contrat d’accueil et d’intégration » par lequel ils s’engageront notamment à suivre une formation linguistique et civique. La carte de résident ne pourra être accordée qu’à 3 conditions : « l’engagement personnel de respecter les principes qui régissent la République française, le respect effectif de ces principes et une connaissance suffisante de la langue française ». Les étrangers dont "la personnalité et le talent constituent des atouts pour le développement et le rayonnement de la France" pourront bénéficier d’une carte de séjour de trois ans renouvelable.

- les étudiants étrangers : les étudiants dont le projet aura été préalablement validé par leur pays d’origine verront l’obtention de leurs titres de séjour facilitée.

- la sélection de la main d’oeuvre : il sera établi des « listes de secteurs tendus où les employeurs pourront faire appel à des étrangers ». Dans ces secteurs il pourra être établie une carte de séjour temporaire d’un an, renouvelable sur la durée du contrat de travail.

- les régularisations automatiques prévues au bout de 10 ans de présence par la « loi Chevènement » de 1998 sont supprimées. Des régularisations pourront avoir lieu au cas par cas.

- l’obligation de quitter le territoire : le refus d’un titre de séjour par l’administration pourra être assorti d’une obligation de quitter le territoire ; le délai prévu pour déposer un recours ne sera que de 15 jours.

Au titre de la promotion de l’immigration professionnelle on retiendra :

– la création d’une carte de séjour « compétences et talents » dont la durée de trois ans vise à faciliter « l’accueil dans notre pays d’étrangers dont la personnalité et le projet constituent des atouts pour le développement et le rayonnement de la France » ;

– les nouvelles facilités de délivrance et de renouvellement de titres aux étudiants dont le projet d’étude est validé « dans le pays d’origine avant leur départ » ;

– l’assouplissement des règles relatives à l’autorisation de travail, « dans les métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement » ;

S’agissant de l’intégration à la société française, elle devient une nouvelle condition de l’immigration familiale. Ainsi :

– la signature d’un contrat d’accueil et d’intégration (qui suppose que l’étranger reçoive une formation civique et linguistique) s’impose dès la première admission en France si l’étranger souhaite s’y installer durablement ;

– l’obtention d’une carte de résident est soumise à une condition d’intégration « fondée sur trois éléments : l’engagement personnel de respecter les principes qui régissent la République française, le respect effectif de ces principes et une connaissance suffisante de la langue française » ;

– le conjoint de français ne pourra quant à lui prétendre (après trois ans de mariage contre deux ans précédemment) à la carte de résident de dix ans que s’il « manifeste son intégration à la société française et [fait] preuve, notamment, d’une bonne connaissance de la langue française » ;

– l’étranger qui demande le regroupement familial au bénéfice d’un membre de sa famille devra également « démontrer qu’il se conforme aux principes qui régissent la République », ce regroupement ne pourra par ailleurs être demandé qu’après un séjour régulier de 18 mois en France, contre un an précédemment.

Enfin, des « mesures adaptées » aux situations de la Guadeloupe, de la Guyane et de Mayotte sont prévues (contrôles d’identités facilités, lutte contre les reconnaissances de paternité frauduleuses, notamment).

Aller plus loin :

CPE conforme à la Constitution

Qu’est-ce que le Contrat Première Embauche ? A l’image du Contrat Nouvelle Embauche (CNE) récemment entré en vigueur, le CPE instaure une période d’essai de 2 ans durant laquelle il sera possible pour l’employeur ou le salarié de rompre sans motif le contrat. Destiné aux jeunes de moins de 26 ans, le CPE est réservé aux entreprises de plus de 20 salariés. A l’inverse, le CNE s’adresse aux entreprises de moins 20 salariés.

Jeudi 30 mars 2006, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la loi " pour l’égalité des chances". Les députés et les sénateurs qui avaient saisi le Conseil contestaient notamment l’article 8 de la loi instaurant un Contrat Première Embauche (CPE). Le Conseil a écarté les griefs invoqués en estimant au fond "qu’aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’interdit au législateur de prendre des mesures en faveur de l’emploi des jeunes". Pour le Conseil, le CPE est "un nouveau contrat de travail ayant pour objet de faciliter l’insertion professionnelle". Ce contrat "met en œuvre, au bénéfice des jeunes, l’exigence du droit à l’emploi" prévue par la Constitution.

Le chef de l’État disposait de 15 jours à compter de l’adoption définitive de la loi pour la promulguer. Ce délai de promulgation est suspendu par la saisine du Conseil constitutionnel. En l’occurrence, la loi a été adoptée le 9 mars et le délai de promulgation a été suspendu à compter du 14 mars, date de la saisine du Conseil constitutionnel. Il reste donc 10 jours à compter du 30 mars, date de la décision du Conseil constitutionnel pour que le chef de l’État promulgue la loi, soit jusqu’au 9 avril.

Concernant les dispositions de la loi qui ont une incidence pour les employeurs et les salariés, 3 ont été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elles sont issues d’amendements dépourvus de tout lien avec le projet de loi. Il s’agit des articles relatifs :

au décompte de l’effectif de l’entreprise (art. 21). La loi prévoyait que les salariés des entreprises sous-traitantes devaient être exclus du décompte de l’effectif de l’entreprise d’accueil ;

aux élections des représentants du personnel (art. 21). La loi prévoyait que les salariés des entreprises sous-traitantes ne devaient plus être électeurs des DP et des membres du CE dans l’entreprise d’accueil ;

à la réduction Fillon (art. 22). La loi prévoyait que la nouvelle définition des heures rémunérées servant de base aux mesures de réduction de cotisations de sécurité sociale, qui résulte de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, devait s’appliquer aux rémunérations versées depuis le 1er janvier 2003. Sur ce point, voir également notre article du 31 mars 2006 « Réduction Fillon : la nouvelle définition des heures rémunérées ne s’appliquera pas aux rémunérations versées depuis le 1er janvier 2003 ».

Principales mesures validées par le Conseil constitutionnel

Contenu de la mesure

Contrat première embauche

(art. 8)

Il s’agit d’un nouveau contrat concernant les jeunes de moins de 26 ans embauchés par une entreprise de plus de 20 salariés. Il s’agit d’un CDI, similaire au CNE, comportant une période de « consolidation de l’emploi » de 2 ans au cours de laquelle les règles de rupture par l’employeur sont simplifiées.

Apprentissage junior

(art. 1 à 7)

Il s’agit d’un dispositif de formation d’apprenti destiné aux jeunes de moins de 14 ans. Il s’adresse à des jeunes ayant atteint l’âge de 14 ans, sur leur demande et celle de leurs représentants légaux. Cette formation comporte un parcours d’initiation aux métiers effectué sous statut scolaire puis une formation en apprentissage. Cet élève pourra signer un contrat d’apprentissage à partir de 15 ans. Jusqu’à 16 ans, il pourra quitter l’apprentissage pour reprendre une scolarité au collège.

CV anonyme

(art. 24)

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, les informations demandées par l’employeur et communiquées par écrit par le candidat à l’emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modalités d’application seront déterminées par décret en Conseil d’État.

Stage

(art. 9)

Les stages professionnels (hors formation professionnelle) devront faire l’objet d’une convention de stage. Leur durée ne peut excéder 6 mois.

Les stages en entreprise de plus de 3 mois consécutifs devront faire l’objet d’une gratification qui n’a pas le caractère de salaire.

Extension du public bénéficiaire du contrat jeune en entreprise

(art. 25)

Le contrat jeune en entreprise qui permet aux employeurs de bénéficier d’une aide de l’État pendant 3 ans pourra être conclu pour toute embauche en CDI (CDI de droit commun, CNE ou CPE notamment) d’un jeune de moins de 26 ans :

- résidant dans une zone urbaine sensible ;

- ou qui n’a pas le diplôme du baccalauréat ;

- ou qui est au chômage depuis au moins 6 mois au 16 janvier 2006 si le contrat est conclu avant le 1er janvier 2007.

Salaire : interdiction des enchères électroniques inversées

(art. 12)

Tout contrat de travail stipulant un salaire fixé à l’issue d’une procédure d’enchères électroniques est nul de plein droit

Zones franches urbaines

(art. 26 à 36)

De nouvelles zones franches urbaines sont créées.



Aller plus loin :