05 septembre 2016

Détachement temporaire de salariés par une entreprise étrangère

Une entreprise, dont le siège social est établi à l'étranger, peut détacher temporairement des salariés en France pour une mission précise. Tout employeur établi hors de France, qui doit effectuer une prestation de service sur le territoire français, doit transmettre, avant le début de son intervention, une déclaration préalable de détachement transnational à l'inspection du travail dont dépend le lieu de sa prestation.

Les activités ouvrant droit au détachement temporaire sont les suivantes :

  • - exécution d'une prestation de services (en sous-traitance) : activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole, réalisée dans le cadre d'un contrat conclu avec un prestataire,
  • - mobilité intragroupe : mise à disposition à but non lucratif de personnel entre entreprises d'un même groupe pour une mission ou une formation,
  • - mise à disposition d'intérimaires : une entreprise de travail temporaire (d'intérim) établie à l'étranger peut détacher des salariés auprès d'une entreprise utilisatrice en France, pour des missions ponctuelles,
  • - opération pour son propre compte (auto-prestation) : une entreprise établie à l'étranger, propriétaire ou non d'un établissement en France, peut y détacher temporairement ses salariés pour des missions ponctuelles (livraison d'un client par exemple).

L'employeur est soumis, pendant la durée du détachement de ses salariés en France, aux règles françaises (code du travail, lois, règlements, conventions collectives...) en matière de rémunération, d'égalité professionnelle, de durée du travail, de conditions de travail...

En revanche, ne sont pas applicables aux salariés détachés, les dispositions du droit du travail français relatives à la conclusion et à la rupture du contrat de travail, la formation, la prévoyance, etc. C'est le droit du pays d'origine des salariés détachés qui s'applique.

Le salarié détaché reste sous contrat avec son employeur établi à l'étranger, qui continue à lui verser sa rémunération. Il n'y a pas de lien contractuel avec l'établissement français qui l'accueille.

Les employeurs établis hors UE doivent obtenir une autorisation de travail pour la durée de la période d'activité en France.

Pour les employeurs établis en UE mais dont les salariés sont ressortissants d'un État hors UE, ces derniers peuvent être détachés sans avoir à justifier d'une autorisation de travail, s'ils sont titulaires d'un titre les autorisant à travailler dans le pays où est établi leur employeur.

Une fois la mission achevée, les salariés reprennent leur activité au sein de l'entreprise d'origine.

Avant le début de la prestation, l'employeur établi à l'étranger doit transmettre une déclaration de détachement, obligatoirement rédigée en français, à l'unité territoriale de la Direccte du lieu où doit être effectuée la prestation, par lettre recommandée avec avis de réception, par fax ou par voie électronique.

L'employeur doit y préciser l'identité de tous les salariés qu'il souhaite détacher en France, qu'ils soient ressortissants de l'UE ou d'un autre État.

Les entreprises de transport qui détachent en France des salariés roulants ou navigants de façon temporaire ne sont pas soumises à cette obligation.

L'employeur implanté à l'étranger doit désigner un représentant en France par écrit, en français, en indiquant :

  • - noms, prénom, date et lieu de naissance,
  • - adresse électronique et postale en France, 
  • - acceptation par l'intéressé de sa désignation,
  • - durée de la désignation,
  • - le lieu de conservation des documents.

Le représentant doit :

  • - faire le lien avec l'inspection du travail, les services de police et de gendarmerie, les impôts et les douanes,
  • - conserver les documents à la disposition de l'inspection du travail.

Vérification des déclarations du sous-traitant

Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage, ayant recours à des salariés détachés en France, doit vérifier que l'employeur d'origine a rempli ses obligations.

Il doit pour cela lui demander copie : 

  • - de la déclaration de détachement,
  • - du document désignant le représentant en France.

Si son sous-traitant ne lui a pas remis une copie de la déclaration de détachement, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre doit adresser, dans les 48 heures suivant le début du détachement, une déclaration à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation.

Registre unique du personnel

L'entreprise d'accueil doit annexer les déclarations de détachement à son registre unique du personnel.

Ce registre doit rester à disposition des inspecteurs du travail.

L'entreprise d'accueil doit adresser à l'inspection du travail son bilan social sur lequel doit figurer le nombre de : 

  • - salariés détachés hors de France,
  • - travailleurs détachés accueillis.

Vigilance en matière d'hébergement et de droit du travail

Par ailleurs, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre a une obligation de vigilance concernant les conditions d'hébergement des salariés du prestataire qui seraient incompatibles avec la dignité humaine. 

L'hébergement est apprécié par un agent de contrôle qui envoie une injonction à l'employeur. Celui-ci dispose de 24 heures pour informer le maître d'ouvrage des mesures prises pour faire cesser la situation.

Dans le cas où l'infraction se poursuit, le donneur d'ordre doit prendre à sa charge l'hébergement des salariés.

Dans le cas où un sous-traitant ne respecte pas la législation sur le travail, l'agent de contrôle envoie une injonction à l'employeur qui doit informer le maître d'ouvrage dans les 15 jours. Celui-ci dispose de 15 jours pour demander à l'employeur de faire cesser l'infraction.

Responsabilité solidaire en cas de manquements

S'il est informé par l'inspection du travail de manquements concernant les conditions d'hébergement, jugées incompatibles avec la dignité humaine, ou concernant le salaire minimum légal (Smic) ou conventionnel dû au salarié, l'employeur doit faire cesser sans délai cette situation, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre en sont informés. À défaut de régularisation, la suspension de la prestation par l'employeur peut être ordonnée, pendant un mois maximum.

S'il est informé par écrit par un agent de contrôle (inspecteur du travail, officier ou agent de police judiciaire, agent des impôts ou des douanes, etc.) du non-paiement du salaire minimum légal (Smic) ou conventionnel dû au salarié, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre doit enjoindre par écrit son cocontractant ou son sous-traitant direct ou indirect de faire cesser sans délai cette situation.

En cas de manquement à ces obligations, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre est tenu solidairement avec l'employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, sauf s'il dénonce le contrat de prestation de services.

  Attention :

en cas de manquement à leurs obligations, l'employeur établi à l'étranger et le donneur d'ordre, ou maître d'ouvrage, sont passibles d'une amende administrative de 2 000 € par salarié détaché (ou 4 000 € en cas de récidive) pour un montant total plafonné à 500 000 €.

03 septembre 2016

Avocats 4.0

"Ubériser", l'un des mots les plus remarqué de l'édition 2017 du Petit Robert ; son sens ? "Déstabiliser et transformer un secteur avec un modèle économique innovant, tirant parti des nouvelles technologies" - au-delà du débat sémantique, d'aucun souligne la soudaineté avec laquelle ces modèles émergent et déstabilisent un marché établi depuis des décennies. Doit-on pour autant se résoudre à une Ubérisation des avocats ?

 La révolution digitale : l'accepter pour mieux l'intégrer

 Cela n'aura échappé à personne. Après les révolutions agricoles et industrielles, voici venu le temps de la révolution digitale. Aussi profonde que ses ainées, elle secoue sans commune mesure tous les secteurs d'activités.

Il y a quelques années encore, la notion d'intelligence artificielle appartenait à l'univers de la science-fiction. Aujourd'hui, il ne se passe plus un jour sans que nous entendions parler de Big Data, de Machine Learning, d'Ubérisation, de disruption, de robots pouvant exécuter des tâches autrefois dévolues aux humains. Personne ne peut raisonnablement se permettre de rejeter l'innovation ; ne faut-il pas définitivement se convaincre que c'est en l'apprivoisant que nous gagnons notre pérennité. Comme le disait déjà Héraclite 500 ans avant J.C., « rien n'est permanent, sauf le changement ».

 Innovation et transformation digitale, où en sont les avocats ?

 En 2016, les avocats travaillent toujours de façon artisanale, qu'ils exercent au sein de petites structures ou au sein des plus grosses firmes.

 Notre métier a pris conscience de la nécessité d'innover et de mener sa propre transformation digitale, mais nous n'en sommes qu'aux prémisses, le cheminement sera long. Cela est assez symptomatique des métiers réglementés. La déontologie et nos institutions représentatives préservent notre pré-carré, mais de manière perverse le protectionnisme nous transporte dans une zone de confort qui ne nous incite pas suffisamment à innover. Nous devenons vulnérables et laissons s'inviter de nouveaux acteurs qui basent leurs modèles sur nos propres faiblesses.

Nous ne sommes par ailleurs plus toujours indispensables, de plus en plus sollicités pour les seules prestations à forte valeur ajoutée. Comment redevenir une évidence ?

 L'émergence des legal start-ups : quelles leçons en tirer ?

 Notre métier a profondément évolué au cours de ces dernières années. Une partie de notre activité a disparu ou pourrait disparaître, en conseil et en contentieux. Le savoir juridique est aujourd'hui « à portée de clics ». Nombreux sont ceux qui par reflexe et commodité consomment le droit sur internet. Les legal start-ups l'ont bien compris. Elles ont ainsi commencé à satisfaire les besoins les plus immédiats, à faible valeur ajoutée ; peut-on néanmoins s'attendre à ce que leur appétit se tarisse?

 Aux États-Unis, on compte plus de 3000 legal start-ups à ce jour, les plus influentes perturbent déjà partiellement le marché juridique. En France, plus de 60 legal start-ups opèrent aujourd'hui sur des segments différents en se basant systématiquement sur des outils innovants et sur l'automatisation d'un processus. Cette irruption soudaine est a minima la démonstration que la technologie peut adresser un certain nombre de besoins et répond à de nouveaux modes de consommation du droit.

Même si aujourd'hui les avocats sont les seuls à pouvoir dispenser des prestations de conseil juridique et à appréhender les sujets d'une certaine technicité, de nouvelles solutions, tantôt complémentaires, tantôt alternatives, voient le jour. Ne regardons pas ces nouveaux acteurs avec condescendance, beaucoup d'enseignements sont à en tirer, ils sont habiles, collaboratifs et très responsives.

 Entre Think Tank quotidiens sur l'évolution de notre métier et développement de nouveaux outils permettant aux avocats de travailler plus efficacement, nos organisations professionnelles se mobilisent. L'attention s'est toutefois jusqu'ici essentiellement portée sur les échanges amont. Or, l'enjeu majeur semble se situer en aval (relation avocats-clients) et il est de notre responsabilité d'y remédier en repensant cette relation.

 Aux avocats d'agir ou de réagir ...

 Comment faire face à ROSSPeter ou encore la Blockchain dont certains prédisent qu'ils phagocyteront tous les intermédiaires, y compris les avocats ?

 Soyons pragmatiques, une étude récente du CNB met en avant les faiblesses de l'offre de service des avocats - que demandent nos clients ? un meilleur rapport qualité-prix, plus de communication, davantage de disponibilité. Les News Techs transforment en profondeur les attentes du consommateur et celles de nos clients. C'est aussi par elles que nous trouverons les moyens de palier nos faiblesses.

 Soyons acteur de cette mutation en nous appropriant les nouvelles technologies et opportunités d'exercice nées de l'ère digitale, aujourd'hui les algorithmes, demain la blockchain et l'intelligence artificielle. C'est par ces nouveaux outils que nous libérerons l'avocat de tâches fastidieuses et chronophages pour lui permettre de se recentrer sur ce qui fait aujourd'hui sa force, sa valeur ajoutée. C'est aussi par ces nouveaux outils que nous serons en mesure de répondre aux attentes évolutives de nos clients, en rendant des services juridiques premium avec davantage d'efficience, d'interactivité et d'accessibilité. C'est enfin par ces nouveaux outils que nous contiendrons son Ubérisation. L'Open Innovation a toute sa place au sein des cabinets d'avocats, nos organisations représentatives nous montrent le chemin, à nous de faire évoluer notre approche de travail en implémentant le « tradigital » : une offre de service digitale et automatisée pour les taches à faible valeur ajoutée, qui se combinera avec une approche plus traditionnelle et humaine, pour les missions à plus forte valeur ajoutée.


Par Édouard Waels, source : la tribune